La pratique d’une activité physique durant les périodes de loisirs est associée à une réduction de la mortalité globale, cardiovasculaire (CV) et néoplasique. C’est pourquoi la World Health Association recommande, pour tous les individus entre 18 et 64 ans, la pratique d’au moins 150 minutes par semaine d’activité physique aérobique d’intensité modérée, d’au moins 75 min/semaine d’activité aérobique plus intense ou d’une combinaison équivalente. On ignore toutefois en grande partie quelles sont les fréquences, les durées et les intensités les plus à même d’apporter un bénéfice maximal en matière de santé. On ne sait notamment pas l’impact des exercices effectués par « les sportifs du dimanche» qui regroupent toutes leurs activités physiques de loisir en un ou deux jours seulement par semaine, de préférence les samedis et dimanches.
Enquête sur plus de 60 000 adultes
Une étude a donc été réalisée afin de préciser les associations entre divers modes d’activité physique de loisir et mortalité toutes causes confondues, CV ou par cancer. Elle a pris pour base les données de 11 cohortes de la Health Study for England (HSE) et de la Scottish Health Study (SHS) qui, entre 1994 et 2008 ont suivi des populations cibles, y compris après l’âge de 40 ans. Ces données ont été recueillies par questionnaires envoyés entre 1994 et 2012, qui renseignaient, entre autres, sur la fréquence et la durée des activités physiques pratiquées dans les 4 semaines précédentes, dont celle de sports individuels ou collectifs. Par définition, une activité physique modérée correspondait à une valeur comprise entre 3,0 et 5,9 équivalents métaboliques et une activité intense à plus de 6,0 équivalents. Les activités professionnelles ou domestiques de routine n’ont pas été prises en compte. Quatre modes d’activité ont été répertoriés : inactivité totale, activité physique insuffisante de moins de 150 minutes hebdomadaires, activités de type « sportif du dimanche » regroupant l’ensemble en une à 2 séances le week end et enfin activité régulière, en 3 séances, voire davantage, réparties tout au long de la semaine. Les auto questionnaire des HSE et SHS renseignaient aussi sur le statut socio-économique des participants, leur poids, taille, indice de masse corporelle. Ils étaient associés à la prise de la pression artérielle de repos et au dosage de la cholestérolémie. Toutes les données d’activité ont été appariées à celles tirés des registres de mortalité, les sujets décédés dans les 24 premiers mois de suivi étant exclus.
Sur 63 591 adultes ayant renvoyé les questionnaires, il y a 49,9 % d’hommes et 44,1 % de femmes, d’âge moyen (DS) 58,6 (11,9) ans ; 90 % sont des Blancs. Initialement, 39 947 (62,8 %) ont été classés dans les inactifs, 14 224 (22,4 %) avaient une activité physique insuffisante, 2 314 (3,7 %) étaient des « sportifs du dimanche » et 7 079 avaient rapporté une activité satisfaisante et régulière, bien répartie dans la semaine.
Les inactifs étaient, dans l’ensemble, plus vieux, plus souvent fumeurs, occupant des emplois moins qualifiés et plus fréquemment atteints de maladies de longue durée. Les « sportifs du dimanche » comptaient une proportion plus élevée d’hommes ; 94 % d’entre eux (et aussi 75,0 % de ceux avec une activité régulière) pratiquaient un ou plusieurs sports ; 31,0 % (et 73,0 % de ceux du second groupe) étaient adeptes de la marche à pas vifs ou rapide. La durée moyenne d’activité physique hebdomadaire a été calculée à 300 minutes pour les « sportifs du samedi- dimanche » et à 450 pour les pratiquants réguliers. Durant le suivi (de 561 159 personnes- années, soit une moyenne de 8,8 (2,4) ans), il y a eu 8 802 décès, dont 2 780 par maladie CV et 2 526 par cancer.
Une diminution de la mortalité même avec une activité physique en deçà des recommandations
Comparativement aux sujets sans aucune activité physique, le Hazard ration ajusté (aHR), pour la mortalité globale, s’établit à 0,66 (intervalle de confiance à 95 % [IC] : 0,62- 0,72) en faveur du groupe avec activité réelle mais insuffisante, avec 1 ou 2 sessions hebdomadaires. Il est calculé à 0,70 (IC : 0,60- 0,82) chez les « sportifs de fin de semaine » et à 0,65 (IC : 0,58- 0,73) chez ceux pratiquant une activité physique de niveau satisfaisant tout au long de la semaine. Toujours en prenant comme référence les sujets inactifs, le aHR, pour la mortalité CV sont respectivement, dans les 3 groupes, de 0,60 (IC : 0,59- 0,69), 0,60 (IC : 0,45- 0,82) et 0,59 (IC : 0,48- 0,73). Il n’est pas non plus noté de différence quant à la mortalité liée au cancer, avec un aHR respectivement à 0,83 (IC : 0,73- 0,94), 0,82 (IC : 0,63- 1,06) et 0,79 (IC : 0,66-0,94) selon que l’activité physique avait été considérée comme insuffisante, concentrée sur la fin de semaine ou uniformément répartie. Point notable, aucune différence accessoire n’est relevée en fonction du sexe des participants, ni dans des sous-groupes particuliers tels que ceux des sujets avec maladie CV, obésité ou facteurs de risque majeurs. Il n’y a pas d’association patente avec le niveau de tabagisme, la cholestérolémie, la pression artérielle de base au repos, ni l’année du suivi. On ne peut, non plus, mettre en évidence, aucune association significative entre la fréquence avec laquelle avaient été pratiquées des activités physiques soutenues et la mortalité parmi les sujets qui adhéraient aux recommandations de bonne pratique.
Ce travail révèle donc que, tant une activité physique insuffisante que la pratique des « sportifs du dimanche » ou, a fortiori, une activité adéquate régulièrement repartie dans la semaine sont associées à une diminution du risque de mortalité globale, CV et néoplasique, après ajustement de facteurs potentiels de confusion et prise en compte des affections de longue durée. Un des faits saillants de cette étude tient dans la notion qu’une seule ou deux séances hebdomadaires d’activité physique modérée ou forte, pratiquées durant le temps de loisirs, sont bénéfiques pour réduire le risque de mortalité et qu’une activité type « sportif du dimanche » est supérieure à l’absence totale d’activité. Marcher, courir ou toute autre forme d’activité physique librement choisie sont efficaces. Ces conclusions rejoignent celles de travaux antérieurs, dont la puissance statistique avait été, en règle, plus modeste.
Quelques réserves doivent être émises : 90 % des participants étaient blancs. L’activité physique prise en compte a été uniquement celle déclarée en début d’enquête. Elle était aussi auto-reportée par les intervenants.
L’activité professionnelle n’a pas été intégrée dans les calculs et le suivi a été, dans l’ensemble, réduit. Un lien de causalité inverse n’a pu être exclu chez les participants porteurs de maladies chroniques et donc moins aptes à une activité soutenue. Enfin, le risque de lésions musculosquelettiques n’a pas été analysé.
En conclusion, cette vaste étude, de puissance statistique satisfaisante, suggère que différents modes d’activités physiques de loisir sont associés à une baisse du risque de mortalité globale, CV ou néoplasique. Plus particulièrement, les « sportifs du dimanche », avec une ou deux périodes d’activité physique hebdomadaires, généralement concentrées les samedis ou dimanches, réduisent utilement ces risques, sans toujours adhérer complétement aux recommandations officielles concernant la pratique de l’activité physique.
Dr Pierre Margent
Référence
O’ Donovan G et coll. : Association of « Weekend Warrior » and Other Leisure Time Physical Activity Patterns with Risks for All- Cause Mortality, cardio vascular Disease and cancer Mortality. JAMA Intern Med, 2017 ; publication avancée en ligne le 9 janvier. doi:10.1001/jamainternmed.2016.8014